Début juin, l'été sait se faire attendre. Qu'importe la grisaille et les orages lorsque le travail s'acharne `occuper le temps qui passe. Je suis posté à Montréal en ce moment, en transit, de garde dans l'appart de mes amis. Ils sont en voyage et m'ont laissé la place, les plante et Sacha La Chatte. Sacha et moi n'avons pas encore créé une relation de confiance. Elle ne me laisse l'approcher que pour la nourrir ou la sortir. Une fois dehors, elle s'éloigne avec la satisfaction de pouvoir angoisser par sa longue absence le remplaçant de ses maîtres. Ah ces chats!
Il ne reste que quelques jours avant le Grand prix de Formule 1 de Montréal et la ville s'active. Ce sera le départ d'une autre année garnie de festivals de toutes sortes. Les commerçants font le ménage du trottoir pour recevoir la visite, les entreprises affichent leurs couleurs et exposent des bolides commandités. Les femmes sont belles, les maris s'en réjouissent...
Il ne m'a pas été donné souvent de vivre comme un montréalais, de penser comme lui, d'agir comme lui. La vraie routine galvaudée du métro-boulot-dodo prends tout son sens ici. Je suis incapable d'arracher ne serait-ce qu'un mot ou un sourire aux quidams que je rencontre. J'ai beau les interpeller, les forcer à entrer en interaction, rien n'y fait; ils n'ont d'yeux que pour le vide moite et lugubre du tunnel qui défile ou la revue qu'ils survolent. MP3 à l'oreille, je dois apparaître comme un imbécile heureux de sourire pour rien. Car c'est ce que je fais. Je souris pour rien, pour faire exprès en fait. C'est un test qui jusqu'ici n'a rapporté aucune dividende. Personne ne m'a retourné un sourire, c'est tout dire.
Il n'y a pas un mot dans le métro le matin, ni le soir d'ailleurs. La foule se transforme au gré des stations à la façon des érables en automne. Toujours un peu plus coloré au nord. Cette masse opaque bouge comme une vague, une chaîne de montage ne pourrait être mieux réglée. Chacun à sa place, dans son espace restreint entre un poteau,un banc et une porte. On se frôle sans se toucher et surtout, sans le vouloir. On me se scrute à regards détournés, on m'ignore en même temps qu'on m'analyse.
Et moi j'erre ça et là. Je découvre des artères bondées, des ruelles abandonnées et des boutiques guindées. Je trouverai peut-être quelqu'un de sympathique à ma cause qui daignera me saluer anonymement dans la foule sans trop se préoccuper de comprendre mes motivations ou s'inquiéter queje braque son domicile. C'est à suivre!